Angela.D est une asbl, lancée en 2018. C’est un collectif pluridisciplinaire de militantes, d’urbanistes, d’architectes, de sociologues, d’animatrices en éducation permanente,... Son objectif est d’attirer l’attention sur le logement comme marqueur social des inégalités entre les hommes et les femmes, de contribuer à une politique équitable d’accès au logement pour les femmes et de réduire les obstacles qui entravent leur autonomie. Le nom Angela.D fait référence à Angela Davis, militante afro-américaine des droits humains. Il s’agit aussi de l’abréviation d’«Association Novatrice pour Gérer Ensemble le Logement et Agir Durablement».
Notre mémorandum 2024 (.pdf) ❭Angela.D émane de la réflexion de femmes qui, dès 2017, se sont rencontrées sur les questions d’accès au logement pour les femmes. Elles sont allées visiter la maison des Babayagas, résidence sociale autogérée de femmes âgées à Montreuil, et ont voulu croiser le genre et le logement. L’accès au logement est hiérarchisé en fonction du genre. En Région bruxelloise, les catégories sociales rencontrant le plus de difficultés à y accéder sont les familles monoparentales, les personnes isolées et les aîné.e.s. Autant de catégories dans lesquelles les femmes sont surreprésentées.
Les femmes seules qui ont la charge d'un ou de plusieurs enfants, les femmes qui veulent quitter leur ménage mais n'ont pas de preuves de précédent paiement de loyer, les femmes âgées isolées, les femmes racisées et, dans certains cas, les personnes non-binaires, subissent de plein fouet la pénurie de logements adaptés, salubres et abordables et sont trop souvent victimes de discrimination quand il s'agit de louer ou d'acquérir un bien.
D’autres facteurs entrent également en ligne de compte, notamment des facteurs économiques tels que l’écart salarial entre hommes et femmes et les différences de pensions, les femmes touchant une plus petite somme que les hommes. Les femmes sont aussi discriminées simplement parce qu’elles sont des femmes. Certain.e.s propriétaires refusent de louer à des femmes seules avec enfants, par exemple. Des femmes relatent aussi des formes de surveillance de la part de leur propriétaire. Lorsque les femmes souhaitent acheter un logement, elles rencontrent plus de problèmes pour obtenir un crédit, les banques rechignent à ouvrir un crédit à des femmes seules.
Premièrement, une mission d’accueil, de formation, d’information et de délivrance de conseils à destination de personnes en situation de mal-logement et collectif d’habitant.es.
Deuxièmement, une mission de développement d’outils et de projets concrets de logements à destination de femmes en situation de précarité (personnes isolées, familles mono-parentales et personnes âgées). Calico + nouveau projet destiné à des mamans solos.
Et troisièmement, une mission de formation à l’intégration de la dimension de genre dans le logement à destination des acteur-trices professionnel.les (guide Angela.d, organisation de colloques, conférences, formations, comité stratégique genre, …).
Le logement est donc directement en lien avec les possibilités des femmes à habiter un lieu et à y vivre de manière autonome. C’est à partir de tous ces constats que l’asbl a entamé plusieurs actions. Un colloque a été organisé en octobre 2018 à l’UCLouvain sur le thème du genre et de l’accès au logement. Un autre colloque sur le thème "Habiter le care » a eu lieu fin novembre 2023, organisé en collaboration avec les facultés d’architecture de LOCI UCL et de La Cambre-Horta ULB. Angela.D a reçu, avec d’autres partenaires, un subside européen (UIA) qui court sur plusieurs années et qui a permis la création du projet CALICO (Care and Living in Community), un projet de cohabitation à Forest offrant une mixité générationnelle et sociale en interaction avec le quartier.
Concrètement, Angela.D propose 10 logements (sur les 34 au total du projet CALICO) à des femmes en situation de précarité ou vieillissantes. Le rôle d’Angela.D est d’intégrer une dimension féministe à l’ensemble du projet. Premièrement, l’habitat est mixte mais les contrats sont aux mains des femmes, c’est elles qui prennent les décisions. Deuxièmement, il s’agit de conscientiser les différents partenaires à la perspective du genre. L’asbl questionne ainsi les nouveaux modes de gouvernance au sein de l’habitat groupé ou participatif pour qu’il s’agisse de modes de décision partagés. Qui prend la parole lors des réunions ? Quel est le temps de parole imparti ? Comment les femmes peuvent-elles venir aux réunions vu les tâches domestiques qui continuent de leur incomber ? Comment construire une mutualisation des tâches de soin aux autres au sein de l’habitat et avec les autres habitats groupés ? Le but est d’aborder toutes les questions qui peuvent permettre de s’engager vers une forme d’autogestion pour les femmes et par des femmes. Ce sont les habitantes et membres de l’association qui décident des modalités de gestion de leur habitat groupé (règles de vivre ensemble, attribution des logements...). Bien qu’elles ne soient pas opposées à la mixité, les membres de Angela.D ont décidé d’attribuer, à ce stade, l’ensemble des appartements à des femmes dans les conditions d’accès au logement social : soit des femmes âgées, soit des femmes cheffes d’un ménage monoparental, souvent d’origine immigrée. Elles envisagent la non-mixité, appliquée à leur habitat, comme une stratégie transitoire pour renforcer les femmes entre elles sans être confrontées à des rapports de domination.
Globalement, la troisième dimension féministe défendue par Angela.D dans le projet CALICO c’est que cette expérience pilote puisse se transformer en plaidoyer pour favoriser l’accès au logement des femmes précaires en Région bruxelloise.
L’asbl mène et va mener des actions de sensibilisation et de formation aux questions d’égalité homme-femme, tant auprès des acteurs du projet CALICO qu’à l’échelle du quartier et de la ville. Et la capacité à gérer un habitat groupé qu’elle développe au sein du projet CALICO, elle peut la mettre au service d’autres projets dédiés au logement ou à l’occupation temporaire de logements mis à disposition de femmes précarisées. Car la crise sanitaire que nous avons traversée a encore aggravé les inégalités structurelles auxquelles les femmes sont confrontées en termes de logement. Sans coronavirus, être mal ou non logées pèse déjà lourdement sur elles. Mais les mesures prises pour contrer la pandémie ont impacté un nombre non négligeable de personnes mal logées ou sans logement. Les problèmes se cumulent dans un pays où il y a un manque criant de logements sociaux. Et ce sont les femmes qui payent le tribut le plus lourd à la crise sanitaire et à la crise du logement abordable. Parmi elles, les femmes sans papiers, à la croisée des discriminations sexistes, racistes et classistes sont largement privées de leurs droits les plus fondamentaux.
Angela.D s'oriente aussi aujourd’hui vers des projets d'occupation temporaire seuls à même d'être en ligne avec leurs capacités financières ou leurs réalités administratives. En parallèle au projet CALICO, l’asbl se retrouve donc à devoir réfléchir à un projet communautaire en investissant des lieux et non à investir des lieux en fonction d’un projet communautaire préétabli. La situation d’urgence place Angela.D dans un équilibre tendu entre le temps long de projets alternatifs exemplaires et l'urgence d'établir un rapport de force pour des changements structurels profonds. C’est la raison pour laquelle, outre les actions menées, Angela.D appelle les autorités belges à mettre en œuvre des solutions pérennes et structurelles qui garantissent l'accès à un logement décent et abordable pour toutes et tous. Et qui fassent du logement une ressource qui permet l’émancipation et l’autonomie des habitantes et habitants.
Pour Angela.D, le logement est compris comme un habitat et questionne l’imbrication des échelles du logement, du quartier, des espaces publics et de l’ensemble de la société.